Extrait de la rubrique d'échecs
(Nouvelliste 9.12.1991)

 

Sion en ligue nationale A !

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Pour la première fois dans l'histoire des échecs helvétiques une équipe du Vieux-Pays accède à la ligue nationale A du championnat suisse par équipes (CSE).

SION. - La dernière ronde du CSE était attendue avec fébrilité par l'équipe du Club d'échecs de Sion engagée dans le groupe ouest de LNB. Les joueurs de la capitale avaient des raisons d'espérer en se plaçant idéalement à l'issue des six premiers matches d'un championnat qui se joue à huit équipes. Avec sa deuxième place au classement intermédiaire, Sion tenait la corde et jouait son destin sans s'occuper du résultat du premier du groupe Bienne 2. Car la deuxième garniture biennoise ne pouvait de toute manière pas être promue en vertu du règlement qui interdit la présence en LNA de plus d'une équipe d'un même club. Ainsi placés dans un fauteuil, les Sédunois jouant de surcroît à domicile, allaient-ils franchir le cap difficile représenté par l'équipe du Bois-Gentil ?

Pour cela il fallait absolument vaincre des Genevois pas si tendres que leur appellation ne le laisse croire. Relégués de LNA l'an passé, les équipiers du bout du lac possèdent d'excellents éléments et forment une redoutable ossature. Ils n'ont de surcroît jamais perdu contre les Sédunois, les humiliant même en 1987 sur un score de 8 à 0 qui traumatisa  longtemps  les consciences locales. Et ne pas non plus se laisser troubler par la vive concurrence des deux autres clubs de Martigny et Reichenstein, également concernés par cette lutte à couteaux tirés pour la promotion, qui comptaient sur un faux pas sédunois.

Avant cette échéance le capitaine sédunois avait mobilisé sa troupe et à l'entraînement la veille les huit hommes, dûment chapitrés sur l'enjeu décisif du match, avouaient leur ferme intention de gagner, seule issue qui leur assurait une place en LNA. Le lendemain à l'annonce  des  appariements, l'équipe motivée comme jamais s'asseyait devant une belle brochette d'invités de talent. Concentrée à l'extrême, abordant cette ronde avec la lucidité nécessaire aux grands jours elle réalisa une prouesse en ne concédant qu'une seule défaite, en annulant cinq parties et en gagnant sur deux échiquiers. Résultat final 4,5 à 3,5 en faveur des Sédunois qui réalisèrent subitement leur double exploit : battre pour la première fois les Genevois et accéder à la LNA !

Le match se termina avec l'émotion contenue de l'exploit réalisé et dans l'allégresse discrète qui caractérise habituellement les joueurs du CE Sion. Ces derniers, grands seigneurs, partagèrent  le champagne de la victoire avec leurs   valeureux  contradicteurs. Il y a exactement dix ans de cela, Sion accédait en première ligue et quatre ans plus tard montait en LNB, réalisant une deuxième étape de son envolée vers les sommets qui coïncidait alors avec le cinquantenaire de la fondation du club. L'alerte jubilaire pouvait rivaliser avec les 24 meilleures formations suisses. Maintenant  que  Sion  est promu en LNA, il va devoir se frotter aux dix plus fortes!

Une véritable performance pour une ascension historique d'un club qui depuis de nombreuses années, grâce à son dynamisme interne, a monté une équipe soudée de jeunes adultes, tous fervents adeptes de Caissa, la déesse des échecs. L'expérience de la haute compétition a ici trouvé sa plénitude. Depuis deux ans Sion ne cachait pas que son objectif était à terme une place en LNA. Une barre bien haute, pensait-on à l'époque, mais franchie avec l'aide des seules ressources vives du club. C'est le fruit d'une politique  intelligente,  à  long terme, qui tend à tous les étages d'intégrer les nouveaux joueurs et spécialement les jeunes par la mise sur pied de cours d'échecs, de les associer à des compétitions (tournoi de Noël), d'offrir enfin aux meilleurs éléments des possibilités de se confronter à l'élite internationale (tournoi international de Sion). Le CE Sion, dont les commandes ont été reprises par R. Granges cet automne, a obtenu les dividendes de sa politique et de son travail de fond. Le mérite en revient également à ses prédécesseurs MM. C.H. Amherdt et E. Beney qui ont déployé une inlassable énergie dans ce sens.

Récompense enfin pour des équipiers fidèles et exemplaires, habilement dirigés par le capitaine J.-Y. Riand, qui a su faire naître un esprit de corps dans une formation naturellement douée où les individus ont sacrifié de longues heures assidues devant leur échiquier. Une équipe qui a néanmoins connu un début de championnat  très   critique avec deux défaites avant de réagir et d'aligner cinq victoires consécutives, dont l'une d'entre elles fut certainement le déclic : 6 à 2 contre leur rival cantonal Martigny.   (jyr)
 

Sion - Bois-Gentil  4 ,5  - 3 ,5.

V. Andreescu - F. Liardet 0,5
G. Terreaux - Ph. Matthey 0,5
V. Allegro - F. Delay 0,5,
P. Vianin - F. Cesareo 0,5
J.-M. Paladini - Ph. Berset 1-0,
P. Grand - R. Graells 1-0,
P.-M. Rappaz - Ch. Bieri 0,5
R. Levrand - F. Galeno 0-1
 

Classement final de la LNA groupe ouest (7 matches) :

1. Bienne 2, 11 points, 32,5 pts individuels (champion de groupe).  2. Sion 10/30 (promu en LNA). 3. Martigny 9/32. 4. Reichenstein 7/28, 5. Allschwil 2 7/27. 6. Bois-Gentil 5/26. 7. Riehen 4/25,5. 8. Therwil 3/22

Un autre article sur la promotion en LNA

Championnat suisse par équipes
 

La 7e et dernière ronde du championnat suisse par équipes était attendue en Valais tout à la fois avec anxiété, impatience et auréolée d'espoir par les deux équipes du Vieux-Pays engagées dans le cadre de la LNB. Les deux formations de Sion et de Martigny avaient, il est vrai, des raisons de croire, idéalement placées à l'issue des six premières rondes de ce championnat qui comporte 7 rondes et 8 équipes. Toutes deux avaient de bonnes chances de franchir une étape supplémentaire vers la gloire, à savoir l'accession en LNA.

Ce rêve devenu presque réalité que caressaient depuis longtemps les deux équipes valaisannes, à la fois rivales et complices en LNB, pouvait cette année se concrétiser avec d'autant plus d'acuité qu'il coïncidait avec la décision prise avant le début du championnat par la Fédération suisse des échecs (FSE) de porter de huit à dix le nombre d'équipes dans la division reine : la LNA. Conséquences directes de ce choix au niveau de la LNB: la promotion automatique de la première équipe des deux groupes existants (est et ouest) de LNB d'une part, et d'autre part, la qualification pour des matchs de barrage pour la promotion en LNA des deux équipes de LNB terminant au deuxième rang.

Or, à la veille de cette ultime confrontation, Sion tenait la corde avec sa deuxième place au classement intermédiaire avec ses 8 pts d'équipe et Martigny pouvait encore espérer, juste derrière avec son troisième rang (7 pts d'équipe) partager avec l'équipe bâloise de Reichenstein. Les deux formations valaisannes jouaient donc leur destin sans s'occuper du sort de l'actuel premier du groupe, soit Bienne II avec 9 pts d'équipe. Car la deuxième garniture biennoise n'a rien à espérer d'une éventuelle promotion en LNA, les dispositions particulières du CSE interdisant la présence en LNA de plus d'une équipe par club. Ainsi placés dans un fauteuil, les Valaisans, jouant de surcroît à domicile, allaient-ils passer le cap difficile représenté par Bois-Gentil contre Sion, et par Riehen contre Martigny?

Que d'inconnues avant ces matchs disputés dans un contexte stimulant à souhait. Et assez de matière encore pour désécuriser les Sédunois. Notamment le fait que Bois-Gentil n'est pas le dernier venu. Relégués de LNA l'an passé, les équipiers du bout du lac ont encore de bons arguments à leur actif. Ils n'avaient jamais perdu contre les Sédunois, les humiliant même en 1987 sur un score qui traumatisa longtemps leur moral. Un sec 8 à 0, ça laisse des traces! Certes cette année l'équipe invitée n'était classée qu'à mi-chemin, autant sujette mathématiquement à une possible relégation que par une place de finaliste en cas de victoire...

Riehen de son côté, avant-dernier du classement provisoire, allait devoir se battre le dos au mur, placé dans l'impérieuse nécessité de sauver sa place en LNB que seule une victoire lui permettait d'assurer... justement contre Martigny. Piquante situation que celle de ces 4 équipes placées par un coup malicieux du destin dans des nécessités contradictoires de lutter soit pour leur maintien, soit pour une éventuelle promotion à l'étage supérieur.

A Sion le capitaine J.Y. Riand avait mobilisé ses troupes pour l'accrochage final et dûment chapitré ses hommes sur l'importance accordée à la préparation de cette ronde et l'enjeu capital du match. Foin de calculs, seul le gain assurait la promotion automatique en LNA, raison d'être et but ultime de la saison. Dimanche 12 h 30 dans le local du CE Sion, c'est l'annonce des appariements et, heureux présage, il manque à Bois-Centil un de leurs meilleurs éléments. Mais l'équipe alignée n'en est pas moins impressionnante et les joutes s 'annoncent attractives.

Après trois heures de jeu, deux parties se terminent pacifiquement par des nullités logiques, celle de G. Terreaux puis celle de P. Vianin. Une donnée à priori plutôt favorable aux Genevois qui, tous  deux, jouaient avec les Noirs et ne partaient pas favoris. Une heure plus tard, consternation dans le camp sédunois où R. Levrarid jouant au dernier échiquier contre un remplaçant de modeste valeur, qui disputait sa première partie en LNB, perd au temps dans une position désespérée. Au score, la parité est maintenue entre les deux équipes par la victoire convaincante de J.M. Paladini qui disputa dimanche une partie parfaitement maîtrisée. La tension, on se l'imagine aisément, s'accroît au fil des minutes mais cet avantage psychologique, représenté par les bonnes positions des Sédunois amène une certaine sérénité que la suite des opérations contribua à renforcer. Le plus tourmenté néanmoins fut certainement le capitaine sédunois, qui suivit l'évolution de ses joueurs avec l'attention qui sied aux grandes espérances.

Un nouveau cap est franchi au premier contrôle du temps avec la nullité que V. Allegro obtient face à son dangereux adversaire. Pressés par le temps, les deux hommes préfèrent ne pas s'engager plus avant dans le débat et apportent chacun leur contribution à leur équipe sous la forme d'un demi-point individuel. Score 2,5 partout. Le match tourne véritablement en faveur des Sédunois au moment où P.M. Rappaz, fortement serré à la gorge par le peu de temps restant à sa disposition et les pièges incessants tendus par son rival, passe le "zeitnot" avec une position légèrement supérieure et que P. Grand, fidèle à lui-même, assène le coup de grâce à son adversaire qui doit en désespoir de cause sacrifier une pièce contre un pion qui allait à dame.

A 3,5 à 2,5 le match était virtuellement fini car au premier échiquier contre le plus fort Genevois coté 2300 pts élo, le joker sédunois V. Andreescu, impressionnant d'aisance, obtenait une finale supérieure, voire gagnante. Voyant que le cours du jeu leur était de toute manière peu favorable, confrontés au dilemme de devoir tenter le tout pour le tout dans deux positions inférieures avec comme perspective deux pertes probables, soumis enfin à l'offre tactique du capitaine sédunois qui proposa à son homologue de conclure le match avec deux nullités généreuses, les Genevois n'hésitèrent pas trop et le score final était scellé à 4,5 à 3,5 en faveur des Sédunois. Qui réalisaient à peine leur double exploit : battre pour la première fois les Genevois et accéder du même coup à la LNA!

Le match s'est terminé dans l'émotion contenue de l'exploit réalisé et dans l'allégresse discrète qui caractérise habituellement les joueurs du CE Sion. Ces derniers, grands seigneurs, partagèrent le champagne de la victoire avec leurs valeureux contradicteurs qui n'en demandaient pas tant. Les Genevois se mêlèrent amicalement aux réjouissances sédunoises et en dépit de leur défaite, ils purent se rassurer qu'ils ne risquaient rien concernant leur propre avenir en LNB. Sion en LNA, fantastique performance, on ose l'avouer. Une promotion historique pour le club de la capitale qui depuis de nombreuses années, grâce à son dynamisme interne, a monté une équipe performante de jeunes adultes, tous fervents adeptes de Caissa, la déesse des échecs. Petit retour en arrière : il y a exactement dix ans, Sion accédait pour la première fois en première ligue et quatre ans plus tard montait en LNB pour y demeurer sept années marquées par des années plus fastes que d'autres mais qui ont forgé l'expérience de la haute compétition. Jamais moins bien classés que cinquième, deuxième en 1988, Sion visait sans le vouloir à tout prix, mais avec les yeux de Chimène, cette promotion  extraordinaire  obtenue avec l'aide des seules ressources vives du club.

Fruits d'une politique intelligente, à long terme, qui tend à tous les niveaux de la pyramide à intégrer des nouveaux joueurs et spécialement les jeunes par la mise sur pied de cours d'échecs, à les associer à participer au tournoi de Noël notamment, d'offrir aux meilleurs éléments du club des possibilités de confrontation avec l'élite internationale (tournoi international de Sion), le Club d'échecs de Sion dont les rênes ont été reprises par R. Granges cet automne, a obtenu la consécration de ses investissements et de son inlassable travail de fond. Il se voit ainsi récompensé de l'inlassable énergie déployée par ses prédécesseurs, notamment M. C.H. Amherdt appuyé par M. E. Beney.

Récompense enfin pour les équipiers fidèles et exemplaires, une douzaine, dirigés d'une main experte par leur capitaine J.Y. Riand, qui a su faire naître un esprit de corps et d'équipe dans une formation naturellement douée et dont les individualités ont sacrifié de longues heures de réflexion au secret devant leur échiquier personnel. Des joueurs qui ont connu un début de championnat très compromis avec deux défaites avant de réagir magnifiquement et d'aligner cinq victoires consécutives.    jyr